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Rome 31 Août 2003 - Round Table

Table Ronde « Les consommateurs changent…Quelles conséquences pour l’élevage et les produits animaux ?

Table Ronde coordonnée par Jean-Claude Flamant (Mission d’Animation des Agrobiosciences) Présentée et animée par Jean-Claude Flamant et Roberto Chizzolini

Introduction

Jean-Claude Flamant

Mesdames et Messieurs, Chers Collègues

C’est vraiment un plaisir pour moi d’ouvrir cette Quatrième Table Ronde. Tout d’abord, je désire vous rappeler les trois principes qui sont à la base de ces Tables Rondes:

  • Premièrement, elles ouvrent un temps au cours des Réunions Annuelles de la FEZ consacré à des discussions ouvertes sur des sujets de société qui font aujourd’hui l’objet de controverses et qui remuent fortement le secteur des productions animales.
  • Ensuite, dans cette logique, le sujet de chaque Table Ronde est choisi en rapport avec les événements de l’actualité des six mois précédents.
  • Troisièmement, elles offrent l’occasion d’inviter des personnalités et des experts que nous n’avons pas l’habitude d’entendre dans le cadre habituel des Réunions Annuelles, particulièrement dans les domaines socio-économiques et politiques.

Les débats sont enregistrés et retranscrits afin que le contenu de chaque Table Ronde soit accessible sur le site Web de la FEZ et aussi sur celui de la Mission Agrobiosciences.

L’année dernière (2002), lors de la Réunion Annuelle du Caire, la Table Ronde avait été consacrée au thème de la mondialisation, en rapport avec la Conférence de l’OMC à Doha et le Sommet de Johannesburg. L’année précédente (2001), à Budapest, nous avions choisi de discuter de la signification à donner aux crises à répétition qui touchent le secteur animal: c’était après la seconde crise de l’ESB et l’épidémie de fièvre aphteuse en Grande Bretagne et dans les pays d’Europe de l’Ouest. Et, à La Haye, en 2000, la première Table Ronde avait été consacrée à un débat sur la filière des connaissances depuis la recherche jusqu’au consommateur.

Pour cette présente Table Ronde, nous avons fait le choix, avec le Président de la FEZ et le Comité Scientifique Italien, de saisir l’occasion de la publication par la FEZ du rapport sur le futur de l’élevage en Europe « After BSE » présenté ce matin par le Président du Groupe de Travail, Patrick Cunningham. L’une des parties de ce rapport est intitulée « Les consommateurs en changement ». D’où le sujet de cette Table Ronde: « Les consommateurs changent… Le secteur des productions animales va-t-il aussi changer ? » (Voir aussi le thème de la 8ème Université d’Été de l’Innovation Rurale: « L’agriculture peut-elle être modifiée par la demande sociale ? »)

Nous souhaitons discuter ensemble, dans ce cadre, de trois questions qui correspondent à des préoccupations majeures aujourd’hui pour l’élevage et les produits animaux :

  • L’impact des choix des consommateurs sur le secteur des productions animales, devenu extrêmement réactif à leurs réactions à court terme, à mettre aussi dans la perspective de l’évolution de la place des produits carnés et du lait dans les régimes alimentaires.
  • La possibilité ou non de rapprocher les producteurs et les « mangeurs » au sein de la chaîne alimentaire, en référence aux termes du rapport Curry publié en 2002 au Royaume-Uni. (Voir en dernière page l’accès au Rapport Curry).
  • Le rôle joué par les institutions publiques en relation avec ces évolutions.

Ces questions ont été formulées par le Comité Scientifique Italien de la présente Réunion Annuelle présidé par Alessandro Nardone que je veux remercier ici. Pour y apporter des réponses et en débattre, nous avons invité quatre personnalités qui composent notre panel. Elles ont accepté de contribuer à nos réflexions et d’en parler avec nous, et je désire les en remercier aussi en votre nom à tous.

La composition du panel

  • Leo Bertozzi, Directeur du Consortium du Fromage de Parmeggiano Reggiano (CFPR), un célèbre et réputé fromage italien PDO
  • Martine Padilla, Professeur à l’Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier (IAMM), est très connue pour ses travaux sur le régime alimentaire méditerranéen et l’évolution des habitudes alimentaires
  • Vittorio Ramazza, Directeur du département d’Assurance Qualité du groupe « Coop Italia », le premier groupe italien de la grande distribution. « Coop Italia » est composé à la base de 178 coopératives de consommateurs, comprend 1.265 magasins et 47.000 employés. Il rassemble 5 millions de membres avec un chiffre d’affaires qui approche 10 milliards d’euros par an.
  • Catherine Reynolds, Directrice de la Communication de l’Institute of Food Research (IFR), a conduit des recherches sur la sécurité sanitaire des aliments et la santé humaine

Pour animer cette Table Ronde, j’ai le privilège de bénéficier de l’aide de Roberto Chizzolini, Professeur à l’Université de Parme, et expert en sécurité sanitaire des aliments auprès des autorités italiennes.

Les réponses des membres du panel

1. Les changements majeurs dans l’attitude des consommateurs

Roberto Chizzolini

Pour ouvrir cette Table Ronde, j’aimerais poser à chacun d’entre vous la question suivante: en vous référant à votre propre domaine de compétences, pouvez-vous nous dire ce qui, selon vous, caractérise le changement d’attitude des consommateurs vis-à-vis des aliments d’origine animale. Très brièvement, en une minute maximum chacun !

Martine Padilla (IAMM)

Ce que je peux dire brièvement… c’est que le consommateur effectue ses choix alimentaires pas uniquement en se référant au prix et selon son pouvoir d’achat comme les économistes ont l’habitude de le dire.

Dans ce contexte, les produits animaux ont une forte identité, beaucoup plus que les autres aliments. Les évolutions les plus récentes de l’attitude des consommateurs se référent à trois aspects: Premièrement, ce que l’on appelle la segmentation des produits apparaît plus liée aux occasions de consommation qu’à la qualité intrinsèque des produits; Deuxièmement, la santé et la sécurité sont des arguments significatifs dans les pays industrialisés, mais ceux-ci ne pèsent pas beaucoup dans les pays les plus pauvres où joue d’abord la confiance attribuée aux vendeurs de proximité.

Finalement, le consommateur réclame ce qu’il considère être son droit au plaisir, revendique de pouvoir économiser de son temps, et exprime son rapport à ses origines par des produits spécifiques.

Catherine Reynolds (IFR)

Les attitudes des consommateurs ont-elles beaucoup changé ? Il est d’abord important de se rappeler que les consommateurs, en général, ne savent pas plus de choses sur la production de la viande que sur celle du thé, des œufs ou des pommes. Et même, si vous vous reportez 100 ans en arrière, la sécurité des aliments était déjà en train de passer dans la main des producteurs et des distributeurs. Aujourd’hui, les consommateurs demandent toujours et attendent d’un produit qu’il soit sûr, facile d’usage et de bon rapport qualité prix. Ceci n’a pas changé depuis des lustres !

Dans le cas de la viande, le secteur de la production doit reconnaître le rôle moteur du consommateur. Au Royaume-Uni par exemple, si vous considérez par exemple le cas de la viande de porc maigre et celui des larges côtes de mouton, la MLC - Meat and Livestock Commission - dépense chaque année 1 million de Livres pour des enquêtes sur ce sujet auprès des consommateurs.

Des messages plus rationnels dans les médias à propos du rôle de la viande dans une alimentation équilibrée, et moins d’arguments simplifiés tels que « la viande est bonne/mauvaise/grasse/pleine de fer » ont probablement joué comme facteurs de reprise de la consommation de viande en Grande-Bretagne (par exemple la consommation de viande bœuf est passée de 900.000 tonnes en 2000 à 985.000 tonnes en 2002). Il resterait à évaluer l’influence réelle de la publicité faite pour le régime Atkins («The Atkins Diet»).

Vittorio Camazza (Coop)

Dans les pays d’Europe de l’Ouest plusieurs facteurs ont joué un rôle majeur dans la modification de l’attitude des consommateurs:

  • Les changements démographiques (populations plus âgées, réduction de la taille de la famille)
  • L’augmentation du nombre de femmes ayant un emploi
  • La disparité des revenus (augmentation des consommateurs ayant un revenu soit élevé, soit faible, et moindre importance de la « classe moyenne »)
  • L’impact des crises alimentaires
  • La distance croissante entre le consommateur et le producteur (et pas uniquement en termes de distance physique); en conséquence, la perte de l’information transmise auparavant de façon naturelle avec les traditions locales.

Leo Bertozzi (CFPR)

Tout d’abord, je suis d’accord avec le dernier point abordé par Vittorio Camazza. Pour moi, le changement d’attitude des consommateurs le plus important envers les aliments est dû à la distance croissante entre eux et les lieux de production et d’approvisionnement. Ceci a pour conséquence une forte concentration le long de la chaîne de production-distribution avec une standardisation significative des produits offerts à la vente. Mais, en sens opposé à cette tendance, on observe un intérêt croissant des consommateurs pour des produits qui disposent d’une Indication Géographique et pour ceux qui offrent une possibilité de diversification de diététique.

2. Les facteurs d’évolution des consommateurs

Roberto Chizzolini Seconde question. Pourriez-vous nous expliquer quels sont les principaux facteurs qui ont de l’influence sur l’évolution de l’attitude des consommateurs envers les aliments d’origine animale, selon les différents pays et aussi en relation avec les différentes catégories de consommateurs ? Je propose que nous commencions par Catherine Reynolds pour illustrer le cas de la Grande Bretagne et plus généralement des pays industrialisés en Europe de l’Ouest. Puis Martine Padilla décrira la situation des pays Méditerranéens.

Catherine Reynolds (IFR)

C’est pour répondre à trois problèmes de sécurité sanitaire d’origine bactériologique (Listeria dans les fromages, Salmonella des œufs, et botulisme dans les yaourts), que la Loi de Sécurité Sanitaire des Aliments (« Food Safety Act ») a été adoptée en 1990 en mettant l’accent sur des problématiques telles que la traçabilité. Elle a conduit au concept de « due diligence défense ») présenté comme ayant un rapport avec les préoccupations du consommateur.

(La Loi britannique de Sécurité Sanitaire des Aliments de 1990 a introduit le concept de « due diligence défense ». Il permet à quelqu’un faisant l’objet d’une procédure judiciaire de faire valoir qu’il a pris « toutes les précautions raisonnables et agi dans des délais rapides », afin d’éviter des dommages. En conséquence une défense en « due diligence » est recevable si vous pouvez montrer que vous avez pris toutes les mesures raisonnables pour assurer que l’aliment que vous vendez soit conforme à la loi, ou que le dommage résulte de la faute d’une autre personne ou d’une autre entreprise.)

En Grande Bretagne, les changements intervenus au cours des années 90, ont procédé de manière évolutive, et bien que les accidents alimentaires successifs aient eu un effet immédiat, avec des impacts à court terme (par exemple sur les pâtés), et dans certains cas avec des effets mémoire de long terme, les consommateurs ont maintenant des comportements de prise de décision que l’on peut qualifier de sophistiqués par rapport à l’éventualité des risques.

1996 fut l’année au cours de laquelle le lien entre « l’Aliment » (et pas uniquement la viande) et les consommateurs a été irrémédiablement rompu. Les réactions des consommateurs n’étaient pas prévisibles – depuis ceux qui ont arrêté de manger de la viande de bœuf à ceux qui en ont accru la consommation – mais la plupart des gens ont réalisé qu’après l’annonce concernant le lien possible entre l’ESB et la maladie de Kreuztveld Jacob atypique la réalité était que le danger était virtuellement une affaire du passé. Le mal était fait !

En Grande Bretagne, beaucoup de générations se sont écoulées depuis que la majorité de la population a quitté la terre. Il y a donc une déconnexion qui conduit les consommateurs qui disposent d’un niveau élevé de revenu à rechercher des possibilités d’achat de personne à personne, et à s’approvisionner sur des marchés de produits « bio » ou de produits de niche. Ils considèrent, apparemment: « Plus je paie cher pour mon alimentation, plus elle est sûre ! ». Ainsi, un prix plus élevé apporterait une plus grande assurance ! Pour ces consommateurs, les risques liés à ces comportements, associés à une moindre intervention des contrôles, n’apparaissent pas comme posant problèmes.

La manière dont actuellement nous mangeons en Grande Bretagne a beaucoup changé. En Angleterre, la plupart des gens prennent leur repas de midi sur leur lieu de travail, au bureau, beaucoup plus que n’importe où en Europe. Or, vous ne pouvez pas manger confortablement quelque chose qui est chaud, recherché ou accompagné de sauce pendant que vous envoyez un courriel - vous préférez pratiquer le « snacking », c’est-à-dire manger sur le pouce, avec un sandwich, un fruit ou un yaourt.

La modification des attitudes de consommation envers les produits d’origine animale est à mettre en rapport avec une caractéristique majeure du marché britannique, le marché « à deux strates »: d’une part de la viande fraîche produite dans le pays d’origine et d’autre part des produits carnés dont la provenance est incertaine, tels que sa nature « viande » peut ne pas être reconnue, particulièrement par les enfants. En fait, la consommation de « Viande » en tant que morceau coupé, est liée à la confection d’un plat: or la perte croissante de savoir-faire pour la préparation et la cuisson de la viande et des abats est aujourd’hui en Grande Bretagne un facteur clé des comportements d’achat.

Martine Padilla

Dans tous les pays, les principaux facteurs qui conditionnent l’évolution de l’attitude des consommateurs sont au nombre de trois, le premier et le second ayant les mêmes effets:

  • Le premier facteur est lié au changement des conditions de vie en rapport avec l’urbanisation: réorganisation du temps de travail, en raison de l’éloignement entre le lieu d’habitat, le lieu de travail et les facilités de conservation, etc.
  • L’activité des femmes est aussi un autre facteur important. Les conséquences de ces deux facteurs sont que les occasions de consommation se modifient. Par exemple, le poulet devient un aliment banal du quotidien. Bien que le poulet ait souvent une image négative (produit considéré comme médiocre dans beaucoup de pays et dont la qualité est trop variable), il est recherché en raison de ses facilités de préparation. Les viandes ovines et caprines sont consommées durant les repas festifs dans les pays méditerranéens, tout comme la viande de bœuf et d’agneau en Europe. Or les occasions festives sont plus rares dans notre mode de vie actuel, ce qui a pour conséquence la diminution de la consommation de viande rouge.
  • Le troisième facteur d’évolution de l’attitude des consommateurs est l’évolution relative des prix, en dépit de la tendance générale à la baisse de la consommation des produits animaux depuis les années 80, et en relation avec les préoccupations nutritionnelles bien connues. Par exemple, le prix de la viande de bœuf est élevé par rapport à celui des autres viandes: ainsi son niveau de consommation est en relation positive avec le niveau de vie. Pour la viande de porc et de volaille, la baisse significative des prix relatifs a permis une progression importante de la consommation globale, avec peu de disparités selon le niveau de vie. Ainsi, l’évolution de la consommation est en relation étroite avec la différenciation qualitative des produits et avec leur practicité.

J’ajoute que l’on observe une grande instabilité des consommateurs, dont les comportements sont liés à des problèmes ponctuels (ESB, dioxine, fièvre porcine) ou à des modifications de l’image des produits sous l’influence des médias.

Nous pouvons aussi nous interroger sur les effets de l’âge et des générations sur l’évolution de la consommation. Globalement, la consommation de viande continuera à diminuer indépendamment des cycles de vie et des générations. Cependant, trois cas méritent une attention particulière: -

  • Pour la viande de veau, l’effet génération est évident: à un âge donné, chaque génération consomme moins de viande de veau que la précédente.
  • Remarque contraire pour le fromage: son niveau de consommation augmente avec l’âge et d’une génération à l’autre.
  • Pour les yaourts et les desserts lactés, le niveau de consommation diminue avec l’âge, mais l’effet génération est réellement fort et compense largement la baisse liée à l’âge.

Ainsi, vous pouvez voir qu’il n’y a pas de règle unique pour ces facteurs d’évolution.

3. Les critères de choix des consommateurs

Jean-Claude Flamant Nous arrivons maintenant à la troisième question posée au panel. Nous venons d’entendre la présentation des différentes tendances décrites par Catherine Reynolds et Martine Padilla. Est-il possible, en conséquence de ces évolutions, de cerner ce que sont aujourd’hui les critères de choix des consommateurs pour les aliments qu’ils achètent ? Est-ce le prix, la qualité nutritionnelle, la sécurité sanitaire, la traçabilité, la protection de l’environnement, le respect du bien-être animal, l’agriculture biologique, les marques de qualité et les labels, etc. ?

Catherine Reynolds

En fait, vouloir comprendre les choix des consommateurs c’est comme éplucher les couches d’un oignon. Toutes choses égales par ailleurs, les consommateurs sont demandeurs de toutes ces valeurs – représentée chacune par la couche d’un oignon. Les couches seront différentes en taille et en succession pour un groupe donné selon les pays, la culture, le niveau de revenu, mais elles seront toutes présentes. Décrire ceci a une valeur économique: cela signifie que le prix n’est pas tout, mais que quelque chose qui se traduit par un prix est en accord avec ce qui est recherché au moment de l’achat. Pour répondre à cette question des critères de choix, il faut aussi prendre en compte l’écart qui existe entre le consommateur et le citoyen, la différence entre le rationnel et l’émotionnel. Le citoyen britannique va parler de sécurité des aliments et de bien-être animal, de développement durable et de protection de l’environnement; alors que la même personne, en tant que consommateur britannique achète en référence au prix et sur la base de la satisfaction de ses besoins. Les supermarchés en ont une très bonne connaissance – de là s’en déduit l’offre « Bogof » « buy one, get one free » (« acheter quelque chose pour avoir l’autre gratuit ! »). S’il y a adhésion au produit et confiance dans la marque du produit (qu’il s’agisse d’une marque de producteur ou d’une marque de distributeur), alors la confiance est acquise en référence à la réalisation d’un minimum de contrôles.

Vittorio Camazza (Coop)

Comparé au modèle de consommation des dernières décennies, ce qui s’est passé au cours des dernières années permet d’enregistrer les attentes suivantes des consommateurs à propos des produits d’origine animale:

  • Diversification de la demande: le beefsteak quotidien est d’un autre âge;
  • Accroissement de la demande de « service » inclus dans le produit lui-même;
  • Demande de plus hautes garanties hygiéniques;
  • Assurance quant à l’origine du produit (ce qui suppose la traçabilité de la chaîne productive);
  • Demande pour des lignes de produits issus de l’agriculture biologique.

En Italie, les éléments concernant l’impact de l’élevage sur l’environnement et le bien-être animal représentent, jusqu’à présent, une demande provenant seulement d’un nombre réduit de consommateurs. En dépit de quoi, ces éléments doivent être pris en considération plus soigneusement par les producteurs afin d’anticiper les changements et non de les subir.

Martine Padilla (IAMM)

On ne peut pas donner une réponse globale à cette question. Il est nécessaire de raisonner par produit et par catégorie de la population. Je pense que, en Europe, nous sommes dans une tendance lourde favorable au bien-être animal et à la protection de l’environnement. Mais, il y a un paradoxe: plus les conditions d’élevage des bovins sont humanisées, moins nous voulons manger ceux-ci. Ceci est de plus en plus présent dans l’esprit des consommateurs. Mais, à l’échelle quotidienne, le consommateur recherche la qualité et le prix. Il y a ainsi un fossé entre les attentes des consommateurs et leurs pratiques.

4. La reconnexion de la chaîne alimentaire entre producteurs et consommateurs

Roberto Chizzolini

Le rapport « After BSE » a posé la question de savoir s’il est possible de reconnecter la chaîne alimentaire entre le producteur et le consommateur. Notre quatrième question aux membres du panel met l’accent plus spécialement sur le cas de l’Italie, en profitant de la présence de deux acteurs italiens. La question est plus précise: les producteurs peuvent-ils tenir compte de la nouvelle attitude des consommateurs et comment ?

Leo Bertozzi (CFPR)

En Italie, la compétition économique dans le secteur animal ne peut porter sur la production de masse. En conséquence, le rôle des produits avec des Indications Géographiques est fondamental pour assurer dans les différentes régions du pays les activités du secteur rural et son développement. En 2000, il y avait 1.981 entreprises fromagères localisées dans les régions où des fromages traditionnels sont produits. Vingt-cinq pour cent de ces entreprises sont en activité en Emilie-Romagne, où le Parmeggiano Reggiano est fabriqué. Les produits traditionnels avec une Indication Géographique doivent avoir pour base des standards rigoureux en vue de répondre à la demande et aux besoins des consommateurs. Dans ce contexte, il est possible de combiner la protection à la fois des producteurs et des consommateurs.

Vittorio Camazza (Coop)

Coop, en tant que coopérative de consommateurs, a un positionnement spécial comparé aux autres entreprises de distribution. La principale demande des consommateurs devient, à moyen terme, une action du groupe « Coop ». Les exemples déjà mentionnés concernant l’origine des produits animaux en sont la preuve. Le rôle de « Coop » est de mettre en œuvre de telles demandes, stimulant et exerçant une pression, qu’il s’agisse de l’industrie, des producteurs, de l’alimentation du bétail, etc. Ainsi, les distributeurs jouent souvent –laissez moi utiliser cette expression – une fonction de « Recherche – Développement » pour les producteurs, mais seuls certains sont prêts, au moins au début, à jouer le jeu.

Martine Padilla (IAMM)

Comment reconnecter entre eux les maillons de la chaîne ? N’oubliez pas que cette déconnexion est le fait des entreprises industrielles et des groupes de distribution, dans une perspective de création et de préservation de leurs propres marchés. Un conflit d’intérêt entre les producteurs, l’industrie et la distribution n’a pas d’avenir. Il y a un intérêt commun entre eux: vendre plus et encore plus ! Promouvoir des produits spécifiques ou des produits traditionnels est une bonne piste pour parvenir à reconnecter les maillons de la chaîne, parce que la collaboration est nécessaire entre les différents types d’acteurs de la chaîne alimentaire, d’autant plus que le consommateur est capable de reconnaître ces produits.

5. La question des prix

Roberto Chizzolini Le prix payé par le consommateur profite-t-il aux producteurs ? Dans quelle mesure la proximité entre le producteur, l’industriel de l’agro-alimentaire et le marché influence-t-il le prix final? Quelle est votre analyse ?

Leo Bertozzi (CFPR)

La compétition engagée sur la base des facteurs de qualité implique des coûts de production et des prix de produits relativement plus élevés. Ces coûts peuvent être amortis et apporter un bénéfice suffisant aux producteurs, si ceux-ci ont un accès direct au marché, facilité par des accords et des dispositions appropriés. Les différents membres de la chaîne d’approvisionnement doivent partager les intérêts qu’ils ont en commun. Ils doivent identifier la relation appropriée entre le niveau de prix et le niveau de la qualité.

Compte-tenu de la réalité du marché pour chaque type de produit, les organisations responsables de la maîtrise de l’application des standards de qualité doivent conduire une série d’actions de marketing dans le but de toucher un marché spécifique et adopter des programmes appropriés de communication et de promotion. Ces actions sont conduites à différents niveaux en rapport avec ce qu’exige le produit, mais de manière générale elles sont concentrées sur la promotion des aspects typiques qui différencient les produits bénéficiant d’Indications Géographiques et les protègent contre des imitations ou des produits de même catégorie. Tout ceci provient du fait qu’il s’agit d’un produit spécifique et non d’une marque commerciale.

Vittorio Ramazza (Coop)

Le prix est toujours un élément important, mais « Coop » relève de toute manière la capacité des consommateurs à payer des prix différents pour des produits de meilleure qualité ou des produits avec des garanties spéciales ou additionnelles.

Le supplément de prix à payer par le consommateur, doit être relativement faible, sauf dans le cas de certains produits de niche et sur des marchés particuliers. Ces prix plus élevés payés par les consommateurs couvrent les coûts plus élevés pour les producteurs, mais ces coût additionnels ne sont pas tous répercutés sur la prix final: une part est assumée par le budget de « Coop ».

6. Le rôle des institutions publiques

Jean-Claude Flamant

Un autre point a retenu l’attention du Comité scientifique italien lors de la préparation de cette Table Ronde: quel est le rôle joué par le secteur public (gouvernements nationaux, Union Européenne) dans le domaine de la loi et des règles de protection des consommateurs ?

Vittorio Camazza (Coop)

Le rôle des institutions, en relation avec les questions d’hygiène, est fondamental et irremplaçable.

Au cours des dernières années, ce rôle a été joué de manière plus dynamique par les organismes nationaux et européens. Des synergies fortes ont été développées depuis longtemps entre les institutions publiques et le groupe « Coop »: la dernière en date a consisté à intégrer dans ses propres activités privées ce qui a été défini par la loi. Le groupe « Coop » fait le choix sur les éléments qualitatifs gérés volontairement, de garder une attitude de plus grande indépendance autant que possible. Les groupes privés (les distributeurs, mais aussi l’industrie agroalimentaire) devraient ainsi décider sur quelles activités ils devraient engager leurs ressources et de quelle manière.

Martine Padilla (IAMM)

Le rôle des organismes publics en relation avec la protection des consommateurs est important dans le cas des produits d’origine animale: une raison majeure est qu’il s’agit de produits consommés frais et facilement périssables.

Le rôle des autorités publiques consiste à réguler, informer, inspecter, harmoniser. Mais il est dommage de constater que le secteur public ne contrôle pas le pouvoir du secteur de la distribution ou des entreprises, ou des lobbies qui peuvent diffuser des informations erronées sur certains produits (bœuf, porc, nutrition). Le point de vue éthique n’est pas pris en compte.

Il faut faire la distinction entre les pays moins développés et l’Europe

  • dans les pays les moins développés, les marchés en croissance, dans le mouvement de la mondialisation, ont donné de l’importance aux normes et aux procédures de conformité. Des institutions publiques de normalisation ont été mises en place en référence au Codex Alimentarius. Cependant, les applications effectives sont encore limitées, à l’exception des entreprises qui fonctionnent en partenariat avec les multinationales ou celles qui désirent exporter. Dans ces pays, les consommateurs sont peu ou pas du tout organisés pour leur défense et sont encore peu éduqués. De plus, la suspicion est générale vis-à-vis des interventions de l’Etat et de ses pratiques de contrôle.
  • en Europe, les règles de traçabilité de l’Union Européenne s’imposent, aussi bien que des actions d’information des consommateurs. Je ne vais pas vous apprendre que les entreprises sont encadrées par de strictes spécifications, négociées par des organismes interprofessionnels, validées et inspectées par des agences publiques ou des agences indépendantes. Ainsi le consommateur est-il bien informé et accorde généralement sa confiance en ce système de régulation et de normes. Derrière ces attestations visibles, il y a aussi les signes de qualité: ceux-ci sont nombreux dans le secteur des produits laitiers depuis longtemps, mais il y en a aussi de nouveaux dans le secteur de la viande, où traditionnellement les produits sont anonymes: maintenant des marques collectives ou individuelles sont en émergence, telles que « Agneau de tradition bouchère », « Bœuf verte prairie », etc. en France.

Je voudrais insister sur deux points:

  • Je suis convaincue que le besoin de traçabilité n’est pas le fait des consommateurs mais celui des distributeurs et des agents commerciaux. De telle manière qu’ils puissent transférer leurs responsabilités sur l’industriel ou l’éleveur de bovins en cas de problème.
  • Certains gouvernements ont mis l’accent sur le principe de précaution. Cette mesure a pour objectif de protéger les consommateurs, mais elle a un effet anxiogène, et la baisse de consommation du produit concerné par le principe de précaution est reportée sur d’autres produits.

Leo Bertozzi (CFPR)

La protection du consommateur peut être assurée à travers plusieurs mesures. En conséquence, le rôle du secteur public est fondamental.

L’une de ces mesures, afin d’assurer et d’informer les consommateurs sur la nature exacte, la composition et les caractéristiques du produit alimentaire, est celle de la garantie de la désignation d’origine géographique. Ainsi, le changement le plus important réalisé dans le cadre de l’Union Européenne au cours de ces dernières années a été l’adoption des Règles de protection des Indications Géographiques (PDO/PGI). Cela a permis de créer un corps commun de références pour tous les Etats membres, qui a eu une réelle influence sur la présentation des produits alimentaires aux consommateurs et a renforcé un système de protection ayant pour finalité de donner des garanties meilleures et plus concrètes sur la spécification des produits. La récente mise en œuvre de la Règle Européenne 2081/92 et les décisions de la Cour Européenne de Justice fournissent un cadre efficace au développement d’une politique commune ayant pour but le maintien et l’amplification de la qualité alimentaire sur la base de la protection des indications géographiques.

Au cours de la prochaine conférence de l’OMC à Cancun (Mexique) en septembre 2003, l’Union Européenne apparaît déterminée à faire adopter des règles qui limitent l’usage de noms géographiques, pour des boissons et pour des aliments, aux producteurs de ces régions où ces produits sont obtenus selon des usages traditionnels, et ceci à travers un système multilatéral de notification et d’enregistrement des Indications Géographiques. Sont concernés les vins et les alcools, aussi bien que des extensions à d’autres produits alimentaires de l’article 23 de l’accord TRIPS et du paragraphe 18 de la Déclaration Ministérielle de Doha.

Les Indications Géographiques concernent des territoires particuliers et elles permettent aux producteurs de se consacrer eux-mêmes à la commercialisation de produits typiques qui rejoignent les demandes des consommateurs en termes d’origine et de qualité. Ils donnent une valeur supérieure aux produits. De plus les Indications Géographiques contribuent à la préservation de l’environnement de leurs régions aussi bien qu’à la protection de leur patrimoine culinaire, artisanal et culturel. En conséquence, la protection des Indications Géographiques constitue un outil utile et nécessaire pour tous les pays du monde, y compris les pays en voie de développement, qui ont besoin d’accéder à des marchés différenciés pour des produits clairement identifiables sur la base de leurs origines géographiques.

L’Organisation pour un Réseau International d’Indications Géographiques – oriGIn – a été créée en mai dernier à Genève par des producteurs de tous les continents, afin de protéger et de promouvoir les Indications Géographiques. Son Président en est Pedro Echevarria, président du café Antigua de Guatemala. Le site Web: www.Origin-GI.com

Catherine Reynolds (IFR)

Le changement le plus important en Grande-Bretagne au cours de ces récentes années a été la création de notre “Food Standards Agency”, avec trois principes de base: (1) le consommateur d’abord; (2) ouverture et accessibilité; (3) indépendance. L’Agence apporte un élément élevé de confiance. La confiance en un organisme régulateur est essentielle, si vous n’avez pas, en tant que consommateur individuel, la possibilité d’exercer votre contrôle, par manque de temps ou de connaissances. La FSA s’efforce de parvenir au consensus, mais l’industrie sait qu’elle sera « pointée et mise au ban » si nécessaire !

Je voudrais juste commenter ici ce que je pense des gens, des personnalités, qui agissent au sein de la FSA: leur rôle est absolument essentiel. Sans leur gestion et la détermination absolue des membres du Conseil et de la Direction Exécutive – selon des principes qui sont également ceux de la nouvelle Autorité Européenne de Sécurité des Aliments – je ne crois pas que l’Agence aurait acquis la position clé qui est aujourd’hui la sienne. La position de l’Union Européenne est aussi en train de devenir influente. Mais il est trop tôt pour dire comment l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments exercera cette influence. Et ce qu’il adviendra lorsqu’elle parviendra à une position de consensus qui sera immédiatement contestée par un des pays membres.

L’ensemble des pouvoirs publics a un rôle important à jouer dans le secteur de la production alimentaire parce que celle-ci concerne tout le monde chaque jour. Le soutien des initiatives est essentiel. Le prix est également un critère de référence. Si les prix grimpent et si le consommateur n’achète pas – alors le commerçant distributeur ne fera pas de stocks et le producteur perdra !

A propos du rapport « After BSE »

Jean-Claude Flamant

Ainsi, vous avez maintenant en main les réponses préparées par les membres du panel. Mais avant de vous donner la parole, la deuxième partie de la Table Ronde va être consacrée aux commentaires de John Hodges et de Patrick Cunningham sur le rapport « After BSE » présenté ce matin en séance plénière. Tout d’abord, John Hodges souhaite commenter le rôle de l’économie dans les connexions, bonnes ou mauvaises, entre les producteurs et les consommateurs. Puis, Patrick Cunningham, en tant que coordonnateur du Groupe de Travail, apportera son analyse sur la signification de ce rapport à propos des questions débattues dans cette Table Ronde.

John Hodges

Merci, monsieur le Président, de me donner ainsi la possibilité de faire cette brève présentation.

Je désire insister sur deux points au nom de trois membres du Groupe de Travail « After BSE »: moi-même, Dr. Ben Mepham et Mme. Janet Graham. Ces deux points concernent le thème de la présente Table Ronde. Ils surgissent à l’intersection entre les sciences dures des disciplines animales et ce que quelque fois on appelle les sciences molles des disciplines socio-économiques. Ce lien est nouveau pour beaucoup de participants au sein de la FEZ. Je félicite Jean-Claude Flamant pour son initiative de mettre en place les Tables Rondes de la FEZ où cours desquelles cette intersection est explorée chaque année, et qui encourage les participants aux Réunions Annuelles de la FEZ à entrer dans le champ des questions socio-économiques qui ont un impact croissant sur les activités d’élevage et les sciences zootechniques.

Au sein du Groupe de Travail « After BSE » donle rapport a été présenté ce matin par son Président Patrick Cunningham, le passé et le présent sont devenus plus clairs. Cependant, pour trois d’entre nous, il y a des alternatives aux visions du futur qui ont été présentées dans la Conclusion du Rapport. Au sein de la FEZ, l’expérience n’est pas inhabituelle et on peut la souhaiter comme telle dans une association professionnelle vivante. Depuis que le rapport « After BSE » a été commandé par la FEZ et que le Groupe de Travail a présenté son rapport durant cette Réunion Annuelle, nous avons pensé que les participants trouveraient intérêt à entendre s’exprimer ces positions alternatives.

Les deux points concernent: 1.Quelles sont les valeurs qui guident le consommateur Européen ou le citoyen lors de l’acte d’achat ? 2. Dans quelle mesure ces choix affectent-ils le futur du secteur des productions animales en Europe ?

Les valeurs qui guident l’achat

Sur ce premier point, la Conclusion de notre rapport considère que « Tel que le marché fonctionne actuellement, le profit est roi. » Sans aucun doute, ceci est vrai pour les deux composantes de la chaîne alimentaire que sont la Transformation et la Distribution. Cependant, si nous considérons les deux autres composantes de la chaîne alimentaire, à savoir le producteur de taille familiale et le très important consommateur, le profit n’est pas roi. Le petit agriculteur de taille familiale s’est toujours référé à des valeurs autres que le profit et continue à le faire ainsi. Au sein du marché Européen, les valeurs de Sécurité et de Santé prennent une importance grandissante dans l’esprit des consommateurs. En fait, ils peuvent être considérés comme étant deux Princes de la Couronne qui mettent au défit le concept du Roi Profit.

Dans cette société d’abondance, où un faible pourcentage du revenu disponible est consacré à l’alimentation, il y a une reconnaissance croissante et une volonté de payer un peu plus que le prix le plus bas à l’unité. Des consommateurs accordent plus d’attention maintenant aux facteurs qui conditionnent la qualité de la vie dans leurs choix d’aliments. C’est pourquoi, nous avons pris de la distance par rapport à la conception selon laquelle les valeurs non monétaires, telles que la sécurité et la santé, seraient seulement respectées s’il était profitable de le faire sur le plan économique.

Les futurs du secteur animal

Le second point concerne les futurs du secteur de l’élevage à propos duquel le rapport estime qu’il a « un futur très positif pour la plupart de ses acteurs ». Pour notre compte, ce futur ne sera pas déterminé seulement par les forces du secteur de l’élevage mais aussi par les changements intervenant dans la demande pour les aliments d’origine animale et dans un contexte où le profit ne serait plus la seule règle. Beaucoup de consommateurs manifestent leur mécontentement et leur suspicion envers les produits animaux en raison des faits dont ils ont eu l’expérience négative au cours de ces dernières années, tels que l’ESB et d’autres crises alimentaires dont l’inventaire est produit dans le rapport. Le développement du végétarisme est plus significatif parmi les jeunes et on observe des choix sélectifs croissants pour la consommation de viande. Les produits « Bio » gagnent en popularité en dépit de leur niveau de prix.

Le sentiment du groupe minoritaire est que notre futur n’est pas prédéterminé et qu’il dépend de la manière dont, nous, particulièrement si nous sommes scientifiques, servirons notre société dans le futur. Probablement, nous devons prendre garde, en tant que scientifiques, d’être seulement les porteurs des intérêts de l’industrie et de la distribution. Nous avons besoin de reconnaître, que, en tant que scientifiques, nous devons servir les consommateurs et les citoyens dans la société considérée comme un tout.

Ceci implique quelques changements de nature éthique. Mettre l’éthique au cœur, c’est réellement faire des choses dans l’intérêt d’autres gens. Mais peut-être avons-nous besoin au sein de la FEZ de commencer à définir ce que nous entendons comme étant « les autres gens » ? S’agit-il des groupes industriels qui fréquemment nous apportent des financements ? Ceci peut être bon pour nos recherches, mais peut-être devons-nous être plus indépendants lorsque nous présentons les résultats de nos recherches, et mettre l’accent sur le fait que notre intérêt central est l’amélioration de la qualité de la vie des citoyens et des consommateurs vus dans leur ensemble.

Intervenant au nom du groupe minoritaire – et alors nous sommes sûrs que nous avons produit collectivement un remarquable et même un excellent Rapport « After BSE » en terme d’analyse des tendances qui ont affecté le secteur des productions animales jusqu’à présent – nous pensons que nous n’avons pas pris suffisamment en compte la diversité des opinions et des options pour le futur. S’agissant de la question de la manière dont la FEZ servira la société dans le futur, il est clair que cela nécessitera plus de travail, plus d’études, plus de groupes de travail. La FEZ doit prendre en compte les sciences molles et les domaines de préoccupations socio-économiques: ceci est essentiel à notre futur.

Catherine Reynolds (IFR)

J’aimerais faire un commentaire à propos de ce que John Hodges vient de dire. J’ai fait le tour de tous les posters aujourd’hui, et je voudrais dire quelque chose à propos des relations entre la science et les consommateurs. Vous êtes, en tant que chercheurs, également les acteurs de la chaîne agroalimentaire, et nous avons tous la responsabilité de nous assurer que nous pouvons expliquer ce que nous sommes en train de faire comme chercheurs de telle manière que les consommateurs puissent le comprendre et l’apprécier. Rappelez-vous qu’il est important que ce que nous considérons comme étant passionnant doit être également passionnant pour quiconque rencontré dans un bar et qui vous demande ce que vous faites ! Demandez-vous: « Pourquoi devraient-ils s’y intéresser ? » et « En quoi la connaissance que vous avez maintenant acquise est d’une quelconque utilité pour la société ? ». Et communiquez en ayant ça en permanence à l’esprit !

Martine Padilla (IAMM)

Je voudrais ajouter un mot. Une fois encore le facteur santé est souligné comme étant majeur, et je pense que la santé est assimilée à la sécurité sanitaire. Il n’y a rien, dans les règles, ni dans les normes, ni dans les préoccupations des industriels tout le long de la chaîne alimentaire, qui concerne les aspects nutritionnels. Alors que je pense qu’il est tout à fait nécessaire de mieux raisonner ces questions.

Leo Bertozzi (CFPR)

Un très bref commentaire à propos de la reprise du marché de la viande de bœuf. Pour nous, en Italie, cette reprise est réalisable seulement si une politique de long terme sérieuse est entreprise. Ceci suppose que des choix soient réalisés, que des gens soient payés pour faire le travail, que le coût en soit supporté. Nous devons mettre en œuvre un tel cadre de travail. En effet, si dans le futur, un problème survenait, l’entreprise ou le pays concerné se rendrait compte qu’il n’y a aucun intérêt à attendre d’être confronté à cette mauvaise situation et de devoir improviser une réaction commerciale, mais qu’il fallait avoir une politique de long terme à 5, 10, 15 ans. D’après notre expérience, c’est la seule voie à suivre !

Jean-Claude Flamant

S’il n’y a pas d’autres réactions de la part du panel, je vais demander à Patrick Cunningham de nous faire part de ses analyses en réaction aux propos de John Hodges.

Patrick Cunnigham

Merci Monsieur le Président pour la possibilité que vous me donner d’intervenir dans ce débat.

Je vais reprendre les deux points sur lesquels John Hodges est intervenu, car cela permettra de continuer le débat que nous avons engagé. Il est significatif pour moi que les points de vue défendus par John Hodges sont portés par deux collègues britanniques. Ainsi, il s’agit très fortement d’une vue des choses depuis la Grande Bretagne, au sein du groupe de 14 personnes qui se sont retrouvées pour mettre au point le Rapport. Ainsi, comme l’indique John, il s’agit d’un point de vue minoritaire, mais les deux points discutés sont des points fondamentaux.

Les valeurs qui guident l’achat

Il y a au sein du secteur animal, depuis les élevages jusqu’à l’utilisateur final, une longue chaîne qui devient de plus en plus complexe. Dans ce processus il y a des biens marchands et il y a aussi des bénéfices de nature non monétaire. Les biens marchands sont le hamburger ou le fromage dans le supermarché, qui peuvent être jugés quant à leur qualité, leur commodité, leur acceptabilité, leur présentation. Tout ceci est soumis à la sanction du prix dans le cadre d’une compétition qui a pour but d’attirer l’attention du consommateur.

Le problème devient plus complexe quand on ajoute une longue liste de biens additionnels et souhaitables dont l’inventaire est retranscrit dans le Rapport à partir de la contribution de Ben Mepham. Il décrit très soigneusement toutes les questions éthiques et en fait une présentation qui illustre leurs implications selon qu’il s’agit des producteurs, des consommateurs, de la biosphère, de l’environnement - au sein duquel nous vivons et qui implique aussi les animaux. Ils sont tous sont à la fois contributeurs et aussi destinataires des bénéfices et des pertes. La plupart des choses dont nous parlons ici – des questions éthiques d’une manière ou d’une autre – ne sont pas quantifiables de la même manière que le goût d’un fromage ou la qualité gustative d’un steak. Ainsi la question posée, et que John pointe et à laquelle il est très sensible, est la suivante: comment, dans le cadre du marché, pouvons-nous faire profiter le consommateur de telles valeurs et de ces bénéfices?

Le point de vue que nous avons adopté dans nos discussions a été essentiellement que ce qui concernait la sécurité et la santé n’était pas inclus dans ce domaine des arguments éthiques. La santé et la sécurité concernent directement l’autorité publique et celle-ci doit édicter des règles qui garantissent que tout aliment est sain. Certes, le débat est permanent à propos des limites des règles qui s’imposent et de l’exercice de la liberté du commerce. Mais le principe a été que la santé et la sécurité n’étaient pas sujets à discussion.

Par conséquent, si nous allons au-delà des questions de santé et de sécurité, nous prenons en considération des biens de nature plus subjective. Le point de vue adopté, et qui est largement repris dans le Rapport que j’ai présenté ce matin, est qu’il n’est pas réaliste de penser que le marché sera capable de prendre en compte des critères tels que le bien-être animal. Cependant, si de tels critères sont considérés comme importants par la société, ils peuvent être inclus dans des codes de bonnes pratiques et peut-être même faire l’objet de règles légales. L’idée fondamentale sous-jacente est que dans un marché de logique libérale il est dit que quelque chose sera fait soit parce que c’est profitable à certains ou que cela pénalise d’autres. Mais, globalement, le résultat est inefficace.

Certes on peut avoir une grande diversité de points de vue là-dessus. Vous pouvez soutenir que nous devrions vivre dans un monde meilleur, mais ce que demande le marché tel qu’il est – et c’est le point de vue de la majorité des membres du groupe qui a rédigé ce rapport – c’est, soit le profit, soit la régulation.

La seconde question concerne le futur

Nous avons fait en sorte – je dois l’admettre – que notre rapport soit écrit avec une teinte positive pour le futur des activités pour lesquelles nous travaillons tous – les productions animales dans le contexte de l’Europe. On peut dresser une longue liste de défis, et la plupart de ceux-ci se traduisent d’une manière ou d’une autre par une pression sur les prix, une pression sur le profit par l’accroissement des coûts. Ils rejoignent aussi la question des règles et des normes à respecter. Cette pression accrue sur les prix peut être aussi envisagée dans le cadre des discussions de l’OMC. Deux choses doivent être dites à ce propos: la première est que la pression à la baisse sur les prix des producteurs n’a qu’un faible impact sur les prix payés par les consommateurs, comme nous le montrent les statistiques. Pour beaucoup de produits, seulement 20% du prix payé par le consommateur reviennent maintenant au producteur, et finalement toute pression sur les prix à la production n’a que peu d’effet bénéfique pour le consommateur. En fait, alors que vous réduisez les coûts de production, ces marges tendent à être absorbées d’une manière ou d’une autre le long de la chaîne. Ainsi peut-on comprendre ceux qui sont impliqués dans le secteur de la production, tout particulièrement ceux dont les activités agricoles sont liées aux animaux, qui considèrent que le pouvoir a glissé de telle manière qu’ils doivent assumer tous les coûts additionnels et toutes les demandes supplémentaires, et qu’ils sont ceux sur lesquels pèsent les plus fortes pressions.

Alors, dans ces circonstances et pour ces acteurs du secteur de l’élevage, comment pourrait-on être optimiste ? Il est évidemment clair que ces activités demandent beaucoup de main-d’œuvre et que ce qui peut se produire – et qui s’est déjà produit par le passé de manière forte – c’est une réduction du travail, année après année, génération après génération,. La valeur économique totale des activités d’élevage en Europe n’évoluera pas énormément. En conséquence, il y aura moins de gens impliqués pour le même volume produit. C’est une première voie d’évolution pour le futur.

L’autre est celle de l’accroissement de la productivité: le Rapport fournit des informations sur l’accroissement de la productivité par animal, en référence au régime alimentaire et en référence au travail, considérant que ce sont ces paramètres qui sont essentiellement affectés par ces évolutions.

Ainsi, il y a deux voies qui peuvent être suivies par le secteur productif dans le cadre d’une pression économique continue – une diminution du nombre d’actifs et l’adoption de technologies nouvelles et appropriées.

La place du secteur public

Finalement, je voudrais revenir à un point qui a été, je pense, mentionné très clairement par Martine Padilla. Il concerne le secteur public et sa place dans l’ensemble du système. Le secteur public est clairement responsable et garant de l’intégrité du secteur alimentaire en relation avec la santé et la sécurité. Mais Martine Padilla semble aussi suggérer qu’il pourrait jouer un rôle dans la régulation éthique des comportements. Ainsi, récemment en Grande-Bretagne, l’ « Office of Fair Trading » a condamné une chaîne de supermarchés pour pratiques déloyales envers leurs fournisseurs. Je pose la question suivante aux membres du panel: peut-il y avoir un rôle accru des pouvoirs publics pour maintenir les équilibres, pour contrôler les comportements déloyaux contraires à l’éthique alors que la chaîne alimentaire devient de plus en plus concentrée entre les mains d’un nombre réduit de quelques groupes qui détiennent le pouvoir économique ?

Les questions de l’assistance

Akke van der Zijpp (Pays-Bas)

Je voudrais vous remercier pour avoir organisé une Table Ronde telle que celle-ci portant sur la question des liens entre les acteurs au sein de la chaîne alimentaire, car c’est sur ce sujet que j’aimerais donner suite aux deux présentations de Patrick Cunningham et de John Hodges. La comparaison que je suis en train de faire se réfère à la situation de mon pays, les Pays-Bas. Elle consiste à voir de quel côté se trouve le prêtre et le ministre, et de quel autre se trouvent les acteurs économiques. Je pense que nous disposons maintenant d’un Rapport qui reflète cette situation: un peu des deux, mais sans que le lien soit fait entre eux. Par exemple, nous avons entendu ce matin parler de problèmes qui dérangent tels que les excès d’azote et de phosphore, l’élargissement et la globalisation... Puis nous avons parlé de questions d’éthique, de responsabilité sociale (d’« accountability »)1  dont la nature est éthique, et aussi de nouvelles technologies. J’aimerais que la FEZ, réellement, assume le défi de poursuivre dans cette discussion, et contribue à clarifier ce que sont les enjeux sociologiques effectivement liés à l’élargissement, à la globalisation. Mais qu’elle discute aussi des questions éthiques qui se posent derrière chacun de ces problèmes: le groupe de travail les a bien identifiées mais, à mon avis, ne leur a pas donné de réponses. Je pense que ce serait très important pour nos discussions futures. Je ne demande pas de réponse aujourd’hui. Je demande seulement que l’on en tienne compte comme une suggestion qui provient du débat sur ces questions de la connexion au sein de la chaîne alimentaire !

1[Accountablity: terme d’origine américaine qui signifie l’exigence de rendre compte, de la part d’un acteur public ou privé, des implications sociales de ses actions]

Jean-Claude Flamant

Nous avons eu, la semaine dernière à Benevento, un très intéressant Symposium organisé par la Commission « Livestock Farming System » à propos de la qualité des aliments. Nous avons abouti à des conclusions relatives à l’évolution de la consommation et de la pression sur les produits de qualité. Je sais que Vittorio Moretti désire poser une question à ce sujet.

Vittorio Moretti (Italie)

Seulement une petite question aux membres du panel. J’ai entendu, durant la présentation, l’importance accordée aux indications géographiques et aux produits traditionnels comme susceptibles d’orienter le choix des consommateurs. Ma question est la suivante: d’un point de vue technique, sommes-nous capables de développer des méthodes d’analyse pour détecter l’origine des aliments, pas uniquement du point de vue de leur origine géographique mais aussi du point de vue de leurs méthodes de production ?

Catherine Reynolds (IFR)

Il s’agit d’un des domaines auxquels mon Institut accorde un intérêt particulier. Il concerne à la fois la détermination de la provenance géographique et la question des produits de l’agriculture biologique. Il est plus difficile de répondre au second point. Mais s’agissant du premier aspect, nous disposons maintenant de méthodes basées sur la spectrométrie de masse, qui commencent à donner des résultats intéressants quant à la localisation géographique. Il y a des empreintes, des empreintes chimiques, qui ne peuvent pas être oblitérées ou changées. Vous ne pouvez pas sur-imprimer chimiquement, avec des méthodes frauduleuses, l’empreinte d’origine. Si quelqu’un est intéressé par ce type de travail, n’hésitez pas à prendre contact avec moi après cette Table Ronde, et je vous mettrai en rapport avec Jurian Hoogerwerft qui est le chercheur engagé dans ce type de travail dans mon Institut. Des travaux sont en cours qui ont un énorme intérêt au niveau international et qui sont en rapport avec les enjeux énormes du secteur agroalimentaire.

Leo Bertozzi (CFPR)

Je voudrais ajouter qu’il est vrai que l’analyse par les empreintes physico-chimiques constitue une voie qui doit être combinée avec les signes de qualité et le système de marques. Ces deux éléments doivent être associés, et nous avons besoin de plus en plus de méthodes analytiques appropriées en vue d’identifier l’origine d’un produit et d’assurer sa traçabilité, combinées au contrôle du label et de la marque. C’est pourquoi la définition des différents systèmes d’identification est un élément important afin de revenir à l’origine vraie du produit, et dans le cadre du marché global fournir des éléments à l’autorité publique qui est en charge de la répression des fraudes pour qu’elle exerce son action de contrôle.

Pierlorenzo Secchiari (Italie)

Une courte question concernant un aspect de la qualité fonctionnelle des produits animaux. Que pensez-vous des problèmes des acides gras insaturés dans les aliments d’origine animale ?

Roberto Chizzolini

Je ne suis pas sûr d’avoir correctement compris votre question. Parlez-vous de la méthode de détermination des acides gras dans les différents aliments, ou êtes-vous intéressés à leur incidence sur la santé humaine ? En fait, votre question me donne la possibilité de faire le point sur un problème que je considère très important et qui n’a pas été abordé ici jusqu’à présent par manque de temps. Il s’agit de la question des aliments fonctionnels, ou plus généralement du problème de la relation entre l’alimentation et la santé humaine et le bien-être. Le problème spécifique que vous avez soulevé, celui de la présence des acides gras insaturés, devrait certainement stimuler l’intérêt des producteurs et les conduire à modifier leurs produits de la même manière qu’il a été nécessaire par le passé de réduire le taux de gras et de changer la composition des graisses dans les aliments d’origine animale.

Je n’ai pas d’information détaillée en main sur la question des acides gras insaturés, et comment ils peuvent être présents dans les différents aliments d’origine animale, ou comment on peut réduire leur proportion. Mais, à mon avis, ceci n’est qu’une partie du problème. Les activités d’élevage et l’alimentation d’origine animale, depuis quelques années, doivent maintenant répondre à la demande en matière d’aliments fonctionnels (une illustration significative de la formule « de l’assiette au champ »). Car les consommateurs demandent non seulement des aliments, non seulement des aliments bons, non simplement des aliments traditionnels de haute qualité, mais ils demandent une alimentation qui leur garantisse le bien-être, qui les aide à se maintenir en bonne santé jusqu’à un âge avancé. Il s’agit d’un problème majeur auquel nous avons à faire face.

Keith Hammond (Australia)

Nous envisageons le consommateur comme s’il s’agissait d’un consommateur « moyen », et cependant ma connaissance de l’industrie électronique caractérisée par une forte stratification du marché. Ceci est beaucoup plus complexe que de réduire le consommateur à un consommateur moyen! Il me semble que ceci est à mettre en relation avec différents niveaux d’évaluation, notamment s’agissant du secteur animal et des producteurs de produits de base. En raison de la diversité qui existe au sein du secteur animal, il est possible d’envisager déjà des aliments différents en quantités appréciables. Maintenant, nous sommes en train de voir que la connaissance de l’information sur l’âge est à l’origine d’une segmentation du marché. Ma question consiste à demander dans quelle mesure ce que l’on appelle le secteur public, et le secteur commercial – entre les mains d’un nombre d’acteurs de plus en plus réduits – et le secteur de la production, ont la capacité de décider de la diversité des aliments dans le futur. Nous pouvons aller dans une seule voie ou simplement, comme en Amérique Centrale, avoir à la fois toutes sortes de catégories de produits et une seule catégorie de viande produite, ou nous orientons-nous différemment ? Y-a-t-il une grande latitude d’évolution parmi les différents produits d’origine animale ? Qui influence ça ? Les acteurs commerciaux ? Les producteurs ont-ils quelque chose à dire ? Et le secteur privé a-t-il voix au chapitre ? Et si oui de quelle manière ?

Un intervenant Italien dans l’assistance

Je ne pense pas que vous puissiez considérer le secteur privé comme étant unique. Dans le secteur privé ou par exemple dans la distribution ou dans l’industrie, il y a simultanément différentes voies en fonction des clients qu’ils ont, en fonction aussi de la philosophie de l’entreprise. Exemple, si à un certain moment, pour répondre à des arguments relatifs aux OGM - c’est seulement un exemple - des entreprises décident de prendre les devants en adoptant des critères très stricts à respecter par leurs fournisseurs, mais qu’en même temps d’autres entreprises – par exemple celles qui sont très engagées dans l’approvisionnement du marché de masse – ne font pas la même chose, et ne prennent pas la même direction… Elles sont certes intéressées, mais considèrent qu’elles s’y engageront d’ici 5 ou 10 ans, dans la mesure où rien ne les oblige avant. Ainsi beaucoup de choses dépendent de vous, de votre entreprise, de votre client, de votre pays, de votre situation pour que vous soyez intéressés ou non de faire quelque chose. Ainsi la « fermentation » du marché peut être réduite ou élevée. Cela dépend ! Pour moi, il n’y a pas une réponse unique à cela. D’un point de vue du distributeur, comme du point de vue du producteur.

Conclusions

Jean-Claude Flaman

 Nous arrivons à la fin de cette Table Ronde. Je voudrais demander à chacun des membres du panel de formuler un message de conclusion en très peu de mots !

Leo Bertozzi (CFPR)

En très peu de mots… l’accès au marché ! Vous venez d’un très grand nombre de pays, tous travaillant au sein du secteur de l’élevage et des productions animales. Et bien, s’il vous plait, essayez de travailler pour maintenir et développer la diversification des produits. Ceci permettra aux systèmes locaux et aux différentes cultures d’être amplifiés et non d’évoluer tous vers un système unique alors que ce n’est pas ce que les gens veulent. Si je parle maintenant avec le point de vue du producteur, nous avons besoin d’avoir accès au marché et les indications géographiques peuvent être une bonne voie d’accès.

Vittorio Ramazza (Coop)

L’activité développée par “Coop” au cours de ces quinze dernières années a contribué à accroître les garanties tout au long de la chaîne productive sur la base de notre label privé et avec comme résultat une bonne crédibilité pour le consommateur. « Coop » poursuivra certainement dans cette voie dans le futur. En essayant de le faire au moindre coût possible. L’approche « de l’assiette au champ » - et également le contraire « du champ à l’assiette » - prendra de plus en plus d’importance pour nous dans le futur, et la chaîne productive, le système productif agira en conséquence.

Catherine Reynolds (IFR)

Je voudrais dire que la clé du futur n’est pas seulement de reconnecter la chaîne entre les producteurs et les consommateurs.

Je voudrais dire que ceci n’est pas valable, que nous ne pouvons pas revenir en arrière, et que ce que nous devons faire c’est reconnecter les consommateurs réels avec les points d’influence sur les prises de décisions. Ce que je veux dire par consommateur « réel » est opposé aux consommateurs « activistes » qui peut-être font la promotion de leur idées personnelles ou des programmes de leurs organisations non gouvernementales. Alors, nous aurions moins de risque de discordance entre les aspirations des consommateurs et celles des citoyens.

Martine Padilla (IAMM)

J’ai deux messages:

  • Le premier - Ecoutons les consommateurs, certes, mais ne leur disons pas que tout peut surgir comme nouveaux produits répond à leur demande. Nous devons avoir à l’esprit que les intérêts des professionnels sont à envisager.
  • Le deuxième – Battons-nous pour un système de normalisation qui soit modéré. Le système actuel tend à tuer les produits spécifiques: son coût est élevé pour les petites et moyennes entreprises, et il est trop coûteux pour les pays pauvres; de plus, il ne prend pas en compte les critères de qualité nutritionnelle des produits. Aussi, prenons-soin de ne pas aller trop loin: la sécurité oui, mais trop de sécurité, je dis non ! Une protection biologique trop importante conduit à des problèmes de santé tels que les allergies, et tue la saveur et le goût des produits.

Clôture de la Table Ronde

Jean-Claude Flamant

Ainsi, mesdames et messieurs, chers collègues, nous sommes arrivés à la fin de cette Table Ronde. Je suis certain que nous en sortons renforcés dans le sentiment que nous ne pouvons pas être efficaces - que nous soyons producteurs, industriels, groupes de distribution, enseignants, chercheurs, etc. - sans avoir une meilleure connaissance et une meilleure compréhension des consommateurs,

Lors d’un débat antérieur, l’an passé en France, j’ai entendu le directeur d’un groupe de la grande distribution dire ceci: « Les consommateurs sont le moteur de notre puissance ! ». Ce qui signifie bien combien il est important pour nous de mettre l’éclairage sur les consommateurs. Cependant, nous avons compris aujourd’hui que si nous adoptions cette attitude, comme nous l’avons fait au cours de cette Table Ronde, il n’était pas facile d’analyser ce que sont réellement les consommateurs, ce qui fait qu’ils changent, quelle est leur capacité à influencer le secteur productif à l’origine de la chaîne alimentaire. En fait, nous avons entendu que les consommateurs sont imprévisibles et même que ce que nous appelons le consommateur est introuvable.

Si nous envisageons les aspects quantitatifs de la consommation, nous pouvons cependant observer des évolutions de long terme, s’agissant par exemple de la consommation de viande, en faveur de la viande de volaille et plus défavorable à la viande de bœuf. Il y a aussi de nouvelles exigences à propos de ce qui est appelé la Qualité. Elles doivent mises en rapport avec l’impact des crises récentes, qui se traduisent notamment par un intérêt croissant pour les appellations géographiques, pour lesquelles la régulation publique joue un rôle déterminant. Mais, nous avons aussi enregistré le besoin de nouer des rapports plus étroits entre consommateurs et producteurs, et d’attacher plus d’attention aux aspects environnementaux, préoccupations qui sont cependant seulement le fait d’une faible proportion de consommateurs. Nous avons aussi entendu qu’il n’est pas évident que les choix des consommateurs soient en accord avec les souhaits exprimés par les citoyens. C’est pourquoi, nous devons poursuivre les discussions amorcées au cours de cette Table Ronde sur les conditions de prise en compte par le marché de nouvelles valeurs accordées aux aliments, et tout particulièrement sur les capacités du secteur public de promouvoir les dimensions éthiques.

Finalement, est-il vraiment possible d’acquérir une meilleure compréhension des consommateurs et de leur évolution et de leurs choix ? Sur ce sujet, je garde à l’esprit la remarque de Catherine Reynolds: « Comprendre les attentes des consommateurs, c’est comme éplucher les couches d’un oignon ». Qu’est-ce que cela signifie ? Un oignon avez-vous dit ? Cela veut-il dire qu’il faut pleurer sur le futur du secteur des productions animales ? C’est ma dernière question !

Je désire remercier tous les membres du panel qui ont contribué activement à cette Table Ronde, et aussi Roberto Chizzolini pour son assistance. Merci aussi à vous tous pour vos questions et vos réflexions, tout particulièrement à John Hodges et Patrick Cunningham pour les éclairages apportés à propos du Rapport « After BSE ».

Pour en savoir plus.

1. Les sites Web d’organismes ou de documents mentionnés au cours de la Table Ronde:

  • Rapport de la FEZ “Après l’ESB” (« After BSE » Report, EAAP
  • Le régime Atkins (Atkins Diet): www.atkins.com
  • Coop Italia: www.coop.it 
  • Consortium du Fromage de Parmeggiano Romano: www.parmigiano.it 
  • FEZ, Fédération Européenne de Zootechnie (EAAP: European Association for Animal Production): www.eaap.org
  • Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier: www.iamm.fr
  • Institute of Food Research: www.ifrn.bbsrc.ac.uk
  •  International Geographical Indications Network: www.Origin-GI.com
  • Rapport “Curry” (Gouvernement Britannique): [PDF] www.cabinet-office.gov.uk/farming/pdf/PC%20Report2.pdf 
  • Les documents de la MAA téléchargeables relatifs aux questions débattues, accessibles sur le site www.agrobiosciences.org
  • Négociation de l’OMC à Cancun:
  •  Les organisations de consommateurs à l’échelle de l’Europe (Rencontres Agriculture, Alimentation, Société):
  • « L’agriculture peut-elle être bouleversée par la demande sociale » (8ème Université d’Eté de l’Innovation Rurale)